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Six lauréats pour les quatre prix IBBY Belgique francophone 2023



- Zut, je suis calée au lit avec un lumbago.

- Désolé, je suis malade, mais je regarderai en ligne.

- Raaaah, je suis coincée dans les embouteillages.

- J'ai raté mon train à cause d'un problème de RER.

- Je vais être un peu en retard...


Ah, elle commençait bien, cette remise des prix IBBY Belgique francophone 2023. Et puis, les planètes se sont alignées. Les invité.e.s sont arrivé.e.s. La technique a super bien fonctionné. Le palmarès a été apprécié, tout comme les échanges de bonne tenue, en direct ou en vidéo.


Rembobinage.


Ainsi que nous l'annoncions en bref (lire ici), les quatre prix IBBY Belgique francophone 2023 ont été remis en public et en ligne le lundi 12 février 2024 dans les locaux du Centre de littérature de jeunesse de Bruxelles (CLJBxl). Au total, un lauréat et cinq lauréates, ainsi qu’une traductrice, deux des quatre prix ayant été remportés par des duos. Les Françaises Elis Wilk en solo, Marie-Sabine Roger et Marjolaine Leray en duo, remportent le prix de l’album et le prix de l’album drôle pour, respectivement, « Au loin, les lumières » (Versant Sud) et « Le vilain petit machin » (Seuil Jeunesse). La Française assimilée Belge Sarah Cheveau reçoit le prix de l’album belge pour « Nuit de chance » (La Partie). Les Espagnols Fran Pintadera et Raquel Catalina décrochent le prix de l’album traduit pour « Le plus beau match de Madani » (traduction de Chloé Marquaire, Les Éditions des Éléphants).


Les lauréat.e.s ont eu la surprise et la joie d'être drôlement gâtés par la Fondation Monique Martin - Gabrielle Vincent (sa sublime série "Ernest et Célestine" fut publiée entre 1981 et 2001 chez Duculot d'abord, chez Casterman ensuite). En son nom, Emeline Attout leur a offert un tirage certifié numéroté d’un dessin de l'artiste décédée en 2000 et une belle série d’albums signés Monique Martin ou Gabrielle Vincent.




On peut retrouver la liste des quarante titres finalistes 2023 ici.



En détail par prix, ici, ici, ici et ici.



Le palmarès 2023


Prix de l’album



Le prix IBBY Belgique francophone 2023 de l’album est attribué à Elis Wilk pour « Au loin, les lumières », publié chez Versant Sud, maison d’édition belge.


L’auteure-illustratrice s’est inspirée de sa propre vie, le déménagement à la campagne de sa famille quand elle avait 8 ans. Un grand chamboulement porté par un excellent rapport texte-images, et ce, dès les pages de garde. Les illustrations sont des photographies extraites de l’album familial qui ont été retravaillées à l’ordinateur. Quant au texte, il aborde en courtes séquences introduites chaque fois par un haïku, différents aspects de ce changement de vie. Un autre monde à apprivoiser, la nature omniprésente, découverte magnifique mais qui peut se montrer sauvage au point de permettre de nouvelles expériences dont celle d'aller à l'école en tracteur un jour de crue. Les souvenirs de la ville, les aventures à la campagne, la gémellité et la petite sœur… Des propos personnels dans ce travail tout en nuances, portés par un très bel imaginaire, dans lesquels chacun peut se glisser.


"Au loin les lumières". (c) Versant Sud.

Elis Wilk nous a fait parvenir une superbe vidéo où elle explique sa démarche. Comment plein de thèmes se sont ajoutés à son idée initiale, donnant lieu à autant de brefs chapitres. Comment elle a retravaillé les photos de l’album familial.



Fanny Deschamps, son éditrice, l’avait déjà publiée : « Au départ, Elis voulait travailler sur la gémellité. Et puis, en tirant le fil de cette histoire très liée à son enfance, plein d’autres éléments sont venus. Le projet est devenu plus ample, plus littéraire. C’est super de voir un livre se construire. Ce n’est certainement pas le projet le plus simple à placer en librairie, mais on avait envie de se lancer. »


"Au loin, les lumières". (c) Versant Sud.



Prix de l’album traduit



Le prix IBBY Belgique francophone 2023 de l’album traduit va à un livre qui nous vient d’Espagne, « Le plus beau match de Madani », de Fran Pintadera et Raquel Catalina (traduit de l’espagnol par Chloé Marquaire, Les Éditions des Éléphants).


On y découvre un gamin qui joue au foot de manière exceptionnelle même s’il joue pieds nus. Quand il marque un but, c’est tout le quartier qui s’enflamme de joie. Un bruit tel qu’il atteint la maman de Madani, occupée à travailler chez elle, obligée de travailler. L’air de rien, ménageant tout un suspense auprès de ses copains, le jeune footballeur va trouver une solution pour que sa maman puisse venir le voir jouer et marquer. Un album sur un sport populaire qui évoque avec sensibilité les inégalités sociales et l'amour filial.


Madani le champion. (c) Editions des Eléphants.

L’auteur et l’illustratrice étant Espagnols, ils n’ont pas pu venir recevoir leur prix à Bruxelles. Mais Fran Pintadera nous a fait parvenir une très touchante vidéo où il explique pourquoi et comment il a écrit cet album qui a figuré dans l’estimée sélection de la bibliothèque de New York 2021. Les sous-titres en français sont générés automatiquement et ne donnent pas une traduction parfaite mais on comprend parfaitement ses lumineux propos.



Madani. (c) Editions des Eléphants.

Restées à Paris où elles accueillaient ce jour-là des invités chinois, Caroline Drouault et Ilona Meyer, les deux éditrices des Éditions des Éléphants, ont répondu en zoom à quelques questions.


Elles ont entre autres expliqué comment elles avaient déniché cette pépite d’album à la Foire du livre pour enfants de Bologne 2021 entre les milliers de parutions annuelles et comment « Madani » est devenu immédiatement leur coup de cœur.

Parce que l'album est une célébration du football, sport pour tous, « et aussi une magnifique histoire d’amour entre un gamin et sa maman. Une émotion qui est celle qu’on retrouve dans la plupart de nos albums. »


La maman de Madani. (c) Editions des Eléphants.



Prix de l’album belge



Les dix albums finalistes étaient de genres très différents. Le choix du jury s’est finalement porté pour le prix IBBY Belgique francophone 2023 de l'album belge sur « Nuit de chance » de l’auteure-illustratrice Sarah Cheveau (La Partie).


Un livre tout en hauteur dans des tons fumés, brûlés car entièrement réalisé aux fusains et autres bois brûlés « maison ». « Un livre très coloré », selon son éditrice, Béatrice Vincent. Un album quasi sans texte, un album plein de mystère, s’assombrissant de page en page au fur et à mesure que la petite héroïne s’avance dans la forêt et que la nuit avance. On partage ses découvertes, les arbres, leurs branches, les feuilles, divers animaux qui filent devant elle, et aussi ses peurs dans l’obscurité, jusqu’à la merveilleuse finale où un de ses rêves est exaucé : elle chevauche un sanglier. Un graphisme sobre, exigeant et accessible au service d’une histoire qui laisse rêveur. En finale, quelques pages invitent les enfants à réaliser leurs propres fusains et proposent un nuancier très fourni.





Quelques dessins sur double page de "Nuit de chance" et une partie des fusains utilisés. (c) La Partie.

Sarah Cheveau lit son album.

Présente au Centre de littérature de jeunesse de Bruxelles, Sarah Cheveau a souhaité faire une lecture complète de son album, ce qui a enchanté le public sur place et en ligne.










Elle a ensuite répondu à quelques questions. « Ce livre est né de ma découverte du fusain, qui est une essence de bois, ce que peu de gens savent, même dans le monde de l’art. J’ai eu envie d’en fabriquer moi-même et de partager cette connaissance avec des enfants. Je voulais raconter mon histoire dans la forêt avec cet outil qui en provenait. » La forêt, si étroitement liée à la littérature de jeunesse.


Une résidence a permis des recherches à la lauréate : « Elles ont donné plein de découvertes, connaissance de l’outil, dessin au fusain, partage de ce graphisme avec des enfants. » Si Sarah Cheveau est partie de son envie de base pour l’histoire, la forêt, la narration « s’est étoffée grâce à l’outil ». Le choix de la nuit par exemple, la course aussi. Elle a voulu depuis le début mettre la recette du fusain de manière poétique. « Le nuancier est apparu au tout début » - une partie en avait été vue au Picture Festival 2022.


Le nuancier. (c) La partie.



Prix de l’album drôle



Le prix IBBY Belgique francophone 2023 de l’album drôle consacre le duo complice composé de Marie-Sabine Roger et Marjolaine Leray pour « Le vilain petit machin » (Seuil Jeunesse), une adaptation en texte et en images du célébrissime conte du « Vilain petit canard » d’Andersen.


Les deux auteures ont transposé le conte à notre époque dont sont pointés divers travers. Merveille que ce texte plein d’imagination, scandé en alexandrins, très travaillé, très souvent rimé, à lire à voix haute - comme un conte - pour en savourer tout le sel. Quant aux illustrations, difficile de ne pas rire tant elles sont expressives dans une nervosité en traits de crayon noir, la marque de l’illustratrice, rehaussés de quelques points de rouge et de jaune.


Le dessin de Marjolaine Leray pour l'IBBY.

Marie-Sabine Roger et Marjolaine Leray, les deux lauréates, habitant loin en France, elles avaient délégué à Bruxelles leur éditrice parisienne, Angèle Cambournac. Cette dernière a lu une lettre de remerciements de Marie-Sabine Roger, en alexandrins s’il vous plaît bien tandis qu’était projeté un dessin de circonstance dû à Marjolaine Leray.

Les remerciements de Marie-Sabine Roger.


Bravant les transports en commun parisiens, l'éditrice du Seuil Jeunesse Angèle Cambournac avait fait le déplacement à Bruxelles.

L'éditrice Angèle Cambournac : « C’est la deuxième expérience de ce genre après une Chèvre de M. Seguin que Marie-Sabine avait réécrite à son goût sur le même principe: très écrit, très oral, un texte assez long. On a adoré cette expérience et on l’a réitérée avec le « Vilain petit machin ». C’est le « Vilain petit canard » au goût d’aujourd’hui. Assez casse-gueule mais elle fait de manière admirable avec énormément d’intelligence, il y a un respect du conte, ce bonheur de l’oralité propre au conte et, en même temps, elle égratigne notre société entre les lignes, sans être moralisatrice ou didactique. On sent qu’elle a pris beaucoup de plaisir à écrire son texte. Elle forme un duo merveilleux avec Marjolaine qui vient en contre-point du texte avec son dessin brouillonnant.

Les enfants ont une intelligence immense. e sont souvent les adultes qui mettent des barrières à leurs lectures. L'époque n'est-elle pas plus raide, moins apte au second degré, au décalage? »




Tous les remerciements de la Section belge francophone de l'IBBY vont au Centre de littérature de jeunesse de Bruxelles, sans lequel rien ne serait possible. Il nous accueille chaleureusement, nous offre son soutien graphique et logistique et réussit à régler tous les problèmes techniques! Merci, merci.


Pour voir ou revoir la vidéo complète de la remise des prix IBBY du 12 février dernier, agrémentée de divers suppléments graphiques apportés par le CLJBXL, il suffit de se rendre sur la chaîne Youtube de la Section belge francophone de l'IBBY (ici).

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